(3)désirer le bonheur de toute l’humanité la quintessence de l’islam consiste à faire preuve d’une haute moralité à chaque instant, de sorte que cela soit un état stable, qui ne fluctue jamais. le dogme, les bonnes actions, le culte, le fait de rendre la justice etc. ne sont que des chemins, des procédés intermédiaires et des moyens d’ascension divers et nombreux pour atteindre ce degré spirituel. par exemple, quelle est la sagesse sublime qui sous-tend la pratique du jeûne ? c’est l’excellence morale comme le montrent ces hadiths : - «que celui qui n’abandonne pas le mensonge dans les paroles et les actes sache qu’allah n’a nullement besoin qu’il abandonne sa nourriture et sa boisson». - «le jeûne ne concerne pas la nourriture et la boisson mais les paroles futiles ou obscènes. si quelqu’un t’insulte ou agit durement avec toi, dis : «je suis en état de jeûne, je suis en état de jeûne». de ce fait, le souci de la morale doit être présent dans toute affaire concernant l’homme car quand cette préoccupation est absente de tels débats, on en vient à laisser l’essentiel derrière soi et à dépouiller la question de tout sens et de tout intérêt. on se retrouve alors avec une forme creuse, un vernis qui ne recouvre que du vide. lorsque les ouragans katrina et rita ont frappé un certain nombre d’etats américains, les gens se sont laissés aller à formuler des explications multiples, religieuses et matérielles, visant à justifier ce qui s’est passé. les hommes ont certes le droit de s’interroger face à chaque évènement ou phénomène sur le pourquoi de tout de cela. c’est dans leur nature d’être curieux de ces choses et il n’appartient à personne de réprimer ces caractéristiques humaines. en revanche, il importe d’un point de vue scientifique et moral de faire en sorte d’apporter une réponse convenable à ces questions. il est clair que se réjouir du malheur des autres n’est pas la bonne attitude morale à avoir en ces cas-là, et que cela ne constitue en rien une explication de ces malheurs. voici quelques arguments qui en témoignent : - a la base, nous sommes tenus de vouloir le bonheur de tous les hommes sans exception car sinon pourquoi les livres saints ont-ils été révélés et les prophètes envoyés ? allah n’a aucunement besoin des hommes. soyez donc sûrs que la religion a été instituée pour le bien des hommes, afin de leur faire bénéficier de la miséricorde divine et écarter d’eux le malheur. se réjouir d’une tristesse qui les afflige est une attitude qui est contraire à ce principe originel et à cet objectif religieux sublime. - le prophète, qu’allah lui accorde bénédictions et salut, accueillait la journée avec cette invocation pleine de repentir, d’humanité, de spiritualité et de prévenance : «ô allah, ce que je possède comme bienfait ce matin moi ou quiconque parmi tes créatures, vient uniquement de toi, sans associé, à toi la louange et la gratitude…». ce prophète prévenant, doux, miséricordieux et dont le coeur était assez vaste pour accueillir toute l’humanité, remercie son seigneur au nom de tous les hommes et de toutes les créatures, pour tout bienfait qu’allah a répandu sur toute personne et sur toute créature. en effet, l’expression «ou quiconque parmi tes créatures» inclut tous les hommes, et ceci va dans le sens de notre démonstration. tous les hommes sont concernés, c’est-à-dire ceux qui sont musulmans et ceux qui ne le sont pas. allah est le seigneur de tous les hommes et pas le seigneur des musulmans uniquement. a tout homme revient donc une part accordée par le seigneur en matière d’existence, de subsistance et de jouissance de la vie. le prophète est sans aucun doute le plus éloquent des hommes. aussi quand il dit : «ou quiconque parmi tes créatures», il désigne précisément tous les hommes. il remercie ainsi allah pour les bienfaits qu’il a accordés à tous les hommes. c’est une expression sincère qui montre à quel point il désire le salut et le bien pour l’humanité entière. pensez-vous qu’un prophète qui remercie allah pour les bienfaits reçus par tout homme, puisse éprouver de la joie devant la souffrance et la tristesse qui s’abat sur certains d’entre eux ? non, c’est tout bonnement impossible. un coeur si pur, rempli d’une telle miséricorde ne peut tirer plaisir du malheur d’autrui. la joie suscitée par tout bienfait dont allah comble toute personne implique que l’on doit ressentir de la peine lorsque les hommes sont touchés par une calamité. la miséricorde ne peut cohabiter dans un même coeur avec la cruauté qui consiste à se réjouir du malheur d’autrui. - a propos de miséricorde, écoutons le prophète quand il dit : «allah ne sera pas miséricordieux avec celui qui n’est pas miséricordieux avec les hommes». ibn battâl a commenté ce hadith en disant, comme cela est rapporté dans fath al-bârî : «ce hadith nous incite à faire preuve de miséricorde envers toute la création ; cela englobe les croyants, les mécréants et les animaux qu’ils soient domestiques ou non». il est définitivement acquis qu’être miséricordieux avec les gens et se réjouir du malheur d’autrui (lachamâta en arabe) sont deux choses contraires et incompatibles. - porter secours aux gens et les sauver fait partie des obligations morales et humaines de l‘islam. il est impossible que la personne qui éprouve de la joie devant le malheur d’autrui fasse preuve de telles qualités morales car sa logique et sa position consistent à ne pas délivrer un non musulman de la détresse qui l’oppresse mais à attendre plutôt que sa perte soit consommée pour en éprouver de la joie. selon elle, quand un non musulman est touché par la maladie, il ne faut pas le soigner mais laisser sa maladie empirer afin de se réjouir de son malheur. si l’on voit un non musulman en train de se noyer, quand bien même on serait bon nageur, il ne faut pas le secourir mais le laisser couler afin de savourer son malheur. dans la même logique, si l’on voit un pauvre ou un orphelin accablé par le besoin, il ne faut lui apporter aucune aide mais plutôt se divertir du spectacle de sa situation. toute cette logique est diamétralement opposée au sens des versets du coran recommandant de porter secours et d’aider, comme par exemple : «or, il ne s’engage pas dans la voie difficile ! et qui te dira ce qu’est la voie difficile ? c’est délier un joug [affranchir un esclave], ou nourrir, en un jour de famine, un orphelin proche parent ou un pauvre dans le dénuement». - nous savons grâce au coran que se réjouir et éprouver de la joie du malheur des autres est une attitude morale propre aux personnes anormales parmi les non musulmans. ce sont ceux dont l’âme est malade et dont les critères de jugements sont faussés qui se réjouissent des calamités touchant les gens : «q’un bien vous touche, ils s’en affligent. qu’un mal vous atteigne, ils s’en réjouissent». - comment les musulmans peuvent être plus élevés moralement que ces personnes anormales s’ils les imitent dans ce sentiments étrange et honteux qui consiste à se délecter du malheur des autres ? - la jouissance que l’on éprouve face au malheur d’autrui (chamâta) est un des visages les plus exécrables de la jalousie. abû hâmid al-ghazâlî a dit: «c’est le pire aspect de la jalousie car lorsqu’une personne subit un préjudice de la part d’une autre de quelque façon que ce soit, elle se met à ressentir de la haine et de la rancoeur à son égard. or la rancune implique un désir de tirer vengeance de la personne qui nous a lésés. si l’on n’arrive pas à se venger par soi-même, on trouve plaisir à ce que ce soit la vie qui nous venge d’elle à notre place. il se peut cependant que cette attitude altère notre position auprès d’allah exalté soit-il. chaque fois qu’une épreuve touche un ennemi, on s’en réjouit, pensant que c’est une punition venant d’allah en réponse à la haine qu’il éprouve [à notre égard] et qu’elle a lieu par honneur pour nous. chaque fois que l’autre bénéficie d’un bienfait, cela nous fait mal car cela va à l’encontre de notre désir.» il est bien connu en islam que la jalousie, ses causes, ses manifestations et ses conséquences sont formellement interdites. même s’il n’y avait dans la chamâta que l’aspect de la jalousie, cela serait suffisant pour qu’il incombe au musulman de s’en libérer et de s’en purifier au niveau de ses sentiments et de ses paroles. - pour appeler les gens à l’islam, certaines qualités psychologiques et morales sont requises, au premier rang desquelles la souplesse, la prévenance, le sentiment humain noble et élevé ; il faut aussi savoir annoncer et promettre de bonnes choses, avoir un sourire engageant, une mine avenante et sympathique, être chaleureux, savoir comprendre les soucis des gens et se montrer sincère avec eux. celui qui se réjouit du malheur d’autrui est assurément privé de ces dispositions louables et généreuses. aussi, il est incapable de guider les gens vers allah car en réalité il les détourne du chemin d’allah par sa dureté. - le prophète, qu’allah lui accorde bénédictions et salut, a relaté à `â’icha, la mère des croyants, qu’allah l’agrée, un peu de ses souvenirs tristes à la mecque. il lui a dit : «j’ai été malmené par ton peuple et le pire de ce que j’ai subi fut le jour d’al-`aqaba quand je me suis présenté à ibn `abdi yâlîl bni `abdi kulâl qui n’a pas accepté ce que je lui ai proposé. je suis alors parti marchant droit devant moi, absorbé par mes soucis. je ne me suis réveillé qu’une fois arrivé à qarn ath-tha`âlib [le pic des renards]. j’ai levé le regard et j’ai remarqué qu’un nuage m’avait recouvert de son ombre. je l’ai scruté et j’ai vu jibrîl, paix sur lui. il m’appela en disant : «allah a entendu ce que ton peuple t’a dit et ce que fut leur réponse. il t’a envoyé l’ange chargé des montagnes pour que tu lui ordonnes ce que tu veux à leur égard». l’ange des montagnes me parla et me salua. il dit : «ô muhammad ! allah a entendu les paroles que ton peuple t’a dites et moi je suis l’ange chargé des montagnes. mon seigneur m’a envoyé à toi pour que tu m’ordonnes ce que tu veux. si tu veux que je réunisse les deux grandes montagnes [environnant la mecque] pour les écraser, je le ferai. le prophète répondit : «j’espère plutôt qu’allah suscitera dans leur descendance des personnes qui adoreront allah seul, sans rien lui associer». le prophète a reçu le secours des forces de la nature alors qu’il vivait des temps difficiles. c’était l’occasion pour lui de se venger de ceux qui l’avaient opprimé et lui avaient fait du tort. ce qui était prévisible, vu les circonstances, est qu’il souhaite leur perte afin qu’il se réjouisse de leur extermination mais le détenteur de la haute moralité qui a été envoyé pour le salut des hommes et leur bonheur a refusé que ses opposants soient détruits et s’éleva en grandeur d’âme en ne désirant pas leur anéantissement. il refusa de se réjouir de leur destruction car en tant que miséricorde universelle, il ne pouvait que faire preuve de miséricorde en toutes circonstances. - il a été enjoint aux musulmans d’avoir un discours correct et agréable envers les autres : «et dis à mes serviteurs d’exprimer les meilleures paroles » «repousse (le mal) par ce qui est meilleur ; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux » «d’avoir de bonnes paroles avec les gens » ce qui est sûr, c’est que la chamâta ne fait pas partie de la bonne parole que l’islam exhorte à utiliser dans les rapports avec les gens. - l’islam a interdit de ressentir de la satisfaction du mal qui touche une créature quelconque même si ce n’est pas un humain, c’est-à-dire s’il s’agit d’un animal. en effet, il n’est pas permis en islam de se délecter de la souffrance des taureaux, des chiens et des coqs quand ils se combattent. si l’islam condamne la joie que suscite la souffrance des animaux, peut-il tolérer qu’on se réjouisse des malheurs qui s’abattent sur les hommes ? - les deux rangs les plus élevés dans la reconnaissance de l’unicité divine sont : l’adoration exclusive d’allah sans rien lui associer et la bienfaisance envers ses créatures, humaines et autres, ainsi que le désir de bien et de bonheur pour toute l’humanité. or la chamâta se rapproche plus de la malfaisance que de la bienfaisance et entraîne une déchéance au niveau de la reconnaissance de l’unicité et de la foi. ce sont deux éléments complémentaires, aussi lie-t-on la crainte pieuse d’allah («crains allah où que tu sois») à la bienfaisance envers les hommes («et comporte-toi envers les gens de façon exemplaire»). toutes deux ont été cités dans le même hadith enseigné par le prophète altruiste.