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Sixième déterminant: La tolérance envers l’adversaire
Que l'être supporte son proche, fasse montre de patience face à son emportement, se taise devant son insolence, ferme les yeux sur ses manquements, soit bienfaisant envers lui même s’il est injuste, voilà une attitude tout à fait courante et coutumière chez les êtres humains. Mais que l'être supporte son ennemi, se montre équitable envers lui, s'arme de patience face à son impudence, lui pardonne, soit bienfaisant et compatissant envers lui … et manifeste encore d’autres qualités auxquelles seules les âmes pures parviennent à s'élever, cela ne s'est observé, dans l’histoire de l’humanité, que chez les êtres qui ont suivi la Voie droite Révélée par Allah et vers laquelle Il a appelé. C'est parce qu'il est la Législation et la Voie d'Allah que l'Islam prend en considération le comportement que le Musulman doit avoir avec son adversaire et qui est non seulement le plus parfait mais aussi le plus noble qui soit. Les enseignements du Coran et de la Sunna comportent une direction exemplaire à suivre, une tradition à observer et des modèles admirables qui ont donné les plus beaux exemples dans la façon de garder sous contrôle l'adversaire, à la fois avec fermeté et bienveillance, et d'être bienfaisant envers lui. Citons entre autres :
1- L’obligation d’être équitable avec l’ennemi, même s’il a opprimé et tyrannisé. Le Très-Haut dit :[Que l'animosité envers un peuple qui vous a obstrué la voie vers la Mosquée sacrée ne vous incite pas à devenir des agresseurs. Bien plutôt encouragez-vous mutuellement à la piété et à la crainte révérencielle d'Allah ! ne vous encouragez pas mutuellement au péché non plus qu'à l'agression. Craignez Allah ! Allah est en vérité Terrible en Son châtiment !] (Sourate La Table, Al Mâ’idah, 5, Verset 2). Savez-vous quand fut Révélé ce noble Verset qui contient cette sage Directive ? Et bien ce fut juste après que les adorateurs des idoles eurent empêché le Messager r et ses honorables Compagnons d'accomplir la circumambulation de l’Antique Maison [soit la Kaaba] et d'adorer leur Seigneur en ce lieu. Voyez-vous combien la Directive divine était admirable et décisive dans son dessein qui était d'orienter le Messager r et ses Compagnons vers la recherche de l'équité, et de les mettre en garde contre l'animosité qu’ils éprouvaient pour leur ennemi et qui, en aucun cas, ne devait les pousser à outrepasser les limites ? Observez comment se termine le Verset, soit par l'injonction de craindre Allah et par le rappel qu’Il est Terrible en Son châtiment. Ibn Jarîr-qu'Allah lui accorde la miséricorde- a expliqué ce Verset de la manière suivante:« Que l'animosité que vous éprouvez pour un peuple parce qu'il vous a barré la route conduisant à la Mosquée Sacrée ne vous porte pas, ô croyants, à transgresser la Loi d’Allah que vous outrepassez alors pour faire ce qu’Allah vous interdit formellement. Imposez-vous plutôt l'obéissance au Seigneur dans ce que vous aimez comme dans ce que vous détestez»[1].
Cette équité envers l’adversaire n'engendre ni l'humiliation ni la résignation parce que Le Tout-Puissant enjoint formellement de respecter les droits et exhorte au pardon, Directives divines que nous avons par ailleurs largement développées en évoquant le thème de "la justice" dans la présente étude.
2- Outre le fait qu'il enjoint d'être equitable envers l’ennemi, l'Islam enjoint aux Musulmans, mieux, exige d'eux, qu'ils présentent la Guidance/al qidâyah aux non Musulmans pour qu'ils partagent avec eux ce bien immense qu'elle constitue et parce que le Message Ultime est destiné à l'ensemble des êtres humains; ce n'est pas un Message privé ou racial ou encore national. Allah Le Très-Haut a enjoint à Son Prophète r de dire à tous les êtres humains : [Dis : “Ô vous les hommes ! Je suis en vérité le Messager d’Allah pour vous tous ] (Sourate Les Murailles, Al Acrâf, 7, Verset 158). Comparez donc cette Parole, qui n'a en vérité point d'équivalence, avec la position qu'adopta le Messie – que la paix soit sur lui- envers la femme qui lui demanda de guérir sa fille. Voici ce que nous lisons à ce propos dans le Nouveau Testament : « Car une femme, dont la fille était possédée d'un esprit impur, entendit parler de lui, et vint se jeter à ses pieds. Cette femme était grecque, syro-phénicienne d'origine. Elle le pria de chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui dit : "Laisse d'abord les enfants se rassasier ; car il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux chiens"»[2] Et dans Matthieu : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent»[3].
Le message du Messie était en effet destiné, non pas à tous les êtres humains mais spécifiquement aux enfants d'Israël. C'est en réalité le Messie qui délimita le cadre du message qu'il était chargé de transmettre, comme le rapporte Matthieu : «Tels sont les douze disciples que Jésus dépêcha après leur avoir donné les instructions suivantes : N'allez pas vers les païens, et n'entrez pas dans la ville des Samaritains ; allez plutôt vers les brebis égarées de la maison d'Israël» [4] .C'est pourquoi le Messie eut un tel comportement envers la femme qui n'appartenait pas aux enfants d’Israël.
3-De même qu'Il exige du Musulman qu'il appelle, patiemment, le non Musulman à embrasser l’Islam, le Tout-Puissant nous enjoint de faire montre de patience enversl'adversaire s'il est irrité et d'indulgence s’il est impudent. Voyons à ce propos l'attitude qu'eut le Messager r face au rabbin Zayd bin Su،nah quand celui-ci se montra insolent envers lui alors qu’il se trouvait avec ses Compagnons – qu'Allah soit satisfait d'eux. Pour bien saisir les dimensions de la grandeur de cette attitude, gardez bien à l'esprit que Muhammad r était alors le Messager d'Allah ainsi que le Chef de l’État et qu'en outre il se trouvait en compagnie d' un groupe de ses nobles Compagnons – qu'Allah leur accorde la miséricorde – quand le rabbin l'aborda avec impudence et que ce dernier n'était ni de leur ethnie, ni même de leur religion. Et pourtant le Prophète r marquera de la mansuétude envers l'insolence de cet homme; et cet homme se convertira à l'Islam; et c'est la mansuétude du Prophète r qui aura été à l'origine de cette conversion. Voici, dans ses détails, cet extraordinaire récit authentique rapporté par les auteurs des Compilations de Hadiths/ Sunan :
،Abd Allah bin Salâm rapporte que Zayd bin Su،nah déclara, quand Allah Le Tout-Puissant désira le guider vers l'Islam :«J'avais relevé sur le visage de Muhammad r, en l'observant bien, tous les signes de la prophétie à l'exception de deux: je n'avais pas pu m'assurer si sa mansuétude primait sur son emportement éventuel et si la violence d'un éventuel emportement contre lui ne faisait que renforcer sa mansuétude. Alors je me montrai aimable envers le Prophète r pour me rapprocher de lui et faire la part des choses entre sa mansuétude et un éventuel emportement de sa part» Zayd poursuit son récit: «Un jour, le Messager d’Allah r sortit des appartements de ses épouses en compagnie de ،Alî bin abî Tâlib. Un bédouin sur le dos de sa monture s'approcha de lui et dit : " Ô Messager d’Allah ! Les habitants de Busrâ, à proximité du village de telle tribu, ont embrassé l’Islam et sont devenus Musulmans. Je leur avais dit que s' ils embrassaient l’Islam, ils connaitraient le bien-être et la prospérité ; or voilà une année que la sècheresse sévit et qu'à cause d'elle ils souffrent de la disette ; je crains, ô Messager d’Allah, qu’ils ne sortent, par convoitise, de l’Islam comme ils y sont, par convoitise, entrés. Si tu estimes pouvoir leur envoyer quelque chose pour les aider, alors fais –le. " Le Prophète r tourna la tête vers un homme à ses côtés - je pense qu'il s'agissait de ،Alî-. Ce dernier dit : " Ô Messager d’Allah, il ne reste plus rien ! [ des biens destinés à l'aumône ] " A ce moment là je m'approchai du Messager r et dis :" Ô Muhammad ! Te serait-il possible de me vendre des dattes réputées de la plantation de telle famille et de me les livrer tel jour? " Le Messager répondit : " Non, ô Juif. Cependant, je peux te vendre des dattes réputées et te les livrer tel jour, mais ne précise pas nommément leur plantation d' origine. "Je répondis que j' étais d’accord pour la transaction. Puis je défis les cordons de ma bourse de laquelle je sortis quatre-vingt pièces d’or. Je donnai cet argent au Prophète r pour payer les dattes qui devaient m'être remises au terme que nous avions fixé. Le Prophète r remit alors cette somme à l’homme sur sa monture et dit :" Dépêche – toi ! sois équitable envers eux et aide-les avec ceci ! "» Zayd bin Su،nah poursuit : « Deux ou trois jours avant le terme fixé pour la livraison des dattes, le Messager d’Allah r sortit avec Abou Bakr, ،Omar et ، Othmân, au milieu d’un groupe de ses Compagnons. Après qu'il eut accompli la prière funèbre et se fut assis au pied d'un mur, je me dirigeai vers lui et, parvenu à sa hauteur, l'attrapai par le col de sa tunique et de son manteau et lui jetai un regard plein de colère. Je m'exclamai : " Ne vas-tu donc pas me donner mon dû, ô Muhammad ? ! Par Allah, je ne vous savais pas, fils de ،Abd al Muttalib, portés à retarder le payement de vos dettes. J’ai beaucoup appris en vous fréquentant. " Puis, je regardai ،Omar et vis ses yeux tourner à toute vitesse dans leurs orbites. Il me jeta un regard furieux et s'exclama : " Ennemi d’Allah ! As-tu bien dit au Messager d’Allah ce que j’ai entendu et fais avec lui ce que j'ai vu ? Je jure par Celui Qui l’a Envoyé avec la Vérité, si je ne redoutais pas Sa Puissance j’aurais tranché ta tête avec mon sabre ! " Pendant ce temps, le Messager d’Allah r regardait ،Omar, calme, tranquille et souriant. Puis il dit : " Ô ،Omar, nous avions, lui et moi, besoin d’autre chose que ceci; j'avais besoin que tu m'enjoignes de bien m'acquitter de ma dette et, lui, avait besoin que tu lui recommandes de demander son dû de bonne façon. Va, ô ،Omar, donne lui son dû, et ajoute lui vingt sâ، [5] de dattes pour la frayeur que tu lui a causée" ». Zayd ajoute : « ،Omar partit avec moi, me remit mon dû et y rajouta vingt sâ، de dattes. " Pourquoi cet ajout ? ", lui demandai-je. " –" Le Messager d’Allah r m’a ordonné de t’ajouter vingt sâ، de dattes pour la frayeur que je t'ai causée.", me dit-il. " Me connais-tu ? ", demandai-je. " Non ", me répondit ،Omar, qui poursuivit : "Qu’est-ce qui t’a donc poussé à faire ce que tu as fait au Messager d’Allah r et dire ce que tu lui as dit ? " -Je répondis: " Ô Omar, j'avais relevé sur le visage du Messager d’Allah r, en l'observant bien, tous les signes de la prophétie à l'exception de deux : je n'avais pas pu m'assurer si sa mansuétude primait sur son emportement éventuel et si la violence d'un éventuel emportement contre lui ne faisait que renforcer sa mansuétude. Or ces deux signes je viens de les tester sur le Prophète r et j’atteste, Ô ،Omar, que j' agréé dès cet instant Allah comme Seigneur, l’Islam comme religion et Muhammad comme Prophète. J’atteste également que je fais don de la moitié de ma fortune, qui est immense, à la communauté de Muhammad ". ،Omar rectifia :"plutôt à une partie de la communauté de Muhammad, car tu ne peux pas satisfaire tous ses membres".Je rectifiai:" ou à une partie de cette communauté "» ،Abd Allah bin Salâm termine : « ،Omar et Zayd retournèrent auprès du Messager d’Allah r et Zayd déclara : " Je témoigne qu’il n’est point de divinité, en droit d'être adorée, autre qu' Allah et je témoigne que Muhammad est Son serviteur et Son Messager". Zayd bin Su،nah eut donc finalement foi dans le Prophète , fut convaincu de la véracité de son Message, lui prêta serment et prit part à ses côtés à plusieurs expéditions militaires.» [6].
Méditez donc sur cet extraordinaire épisode et sur son dénouement ! Zayd bin Su،nah s'était présenté au Prophète r dans le but de le mettre à l'épreuve et repartit Musulman ! Puis il passa sa vie à appeler les gens vers la religion d’Allah et à observer scrupuleusement la Sunna du Messager jusqu'à trouver finalement la mort pendant qu’il combattait dans la Voie d'Allah.
Voici un autre cas, qui concerne ،Abd Allah bin Ubay bin Salûl, chef de file des hypocrites et l'une des principales figures qui se dressèrent contre le Messager d’Allah r. C’est lui qui fit défection au Prophète r et se retira, avec le tiers de l’armée, de la scène des combats le jour de la bataille d’Uhud [7]. Et pourtant, lorsqu'il mourut, le Messager d’Allah r pria sur sa dépouille et implora le Pardon d’Allah pour ses péchés. Dans l'un des recueils de Hadiths authentiques, ،Omar bin al Khattâb rapporte à ce sujet : « Lorsque ،Abd Allah bin Ubay bin Salûl mourut, on appela le Messager d’Allah r pour qu’il prie sur lui et lorsque le Prophète r se présenta et se tint debout auprès de la dépouille de ،Abd Allah, je dis : " Ô Messager d’Allah, vas-tu prier sur Ibn Ubay alors qu’il a dit ceci et ceci et ceci un tel jour? "– Je lui fis alors la liste de tout ce qu'avait dit ،Abd Allah – . Le Messager d’Allah r sourit et me dit : " Laisse-moi faire, ô ،Omar ! " Comme j’insistai, il dit :" On m’a donné le choix et j’ai choisi. Si je savais que si j'ajoutais, à mes soixante-dix demandes de pardon pour lui, des demandes supplémentaires, il serait pardonné, alors je ferais ces demandes" [8]. L'Envoyé d'Allah r pria alors sur la dépouille d' Ibn Ubay puis se retira»[9].
Il assista ensuite aux funérailles et demanda au fils du défunt d'envelopper la dépouille de son père dans sa tunique, qu'il lui tendit, nourrissant l'espoir qu’Allah allège le châtiment d'Ibn Ubay. Admirez la noblesse de cette élévation au-dessus des fautes commises, la grandeur de cet oubli de l'offense subie alors que l’homme responsable de ces outrages est mort et enterré, qu'on n'espère plus aucun bien de lui, et qu’on ne redoute plus de lui aucune nuisance ! Cependant les âmes élevées ne recherchent que la noblesse de la conduite, ne s'avisent que d'être bienfaisantes envers autrui, que de supporter et endurer ses offenses. Les livres de la Sunna et les biographies du Prophète r abondent en récits évoquant les positions qu'adopta le Messager r face aux associateurs, fussent-ils leaders ou simples individus, qui lui témoignèrent de l'hostilité et le combattirent. Les positions qu'il prit à leur encontre furent ainsi celles que lui dictait la Législation divine, lui commandait la raison et lui imposait la manière judicieuse d'agir.
4-S'armer de patience n'est pas la seule conduite que l'Islam enjoint au Musulman d'observer face à l'adversaire. Il lui prescrit aussi d'être clément envers lui et d’œuvrer à le sauver de l'Enfer. Le Prophète r se chargeait en personne, et sans ménager sa peine, de guider les non Musulmans vers l’Islam ; c’est pourquoi d'ailleurs Allah lui dit : [Tu vas, peut-être, s'ils n'ont pas foi en ce récit, te consumer de chagrin sur leur façon d'agir. ] (Sourate La Caverne, Al Kahf, 18, Verset 6). Le Très-Haut le Tout-Puissant dit encore: [Qu'adviendra-t-il de celui pour qui la laideur de son action aura été revêtue d'apparences trompeuses et qui la considérera comme un bien ? Allah égare qui Il veut, et Il guide qui Il veut - Que ton âme ne se répande donc pas en regrets sur eux : Allah connait parfaitement ce qu'ils font. ] (Sourate Le Créateur, Fâtir, 35, Verset 8). Le récit suivant témoigne du souci profond qu'avait le Messager d’Allah r, de guider vers la Voie droite l’opposant et d'essayer, jusqu'à la dernière minute, de le convaincre d'embrasser l'Islam : Un jeune garçon Juif était au service du Prophète r. Un jour il tomba malade. Le Prophète r lui rendit alors visite, s’assit à son chevet et lui dit : « Embrasse l’Islam ! » Le jeune garçon fixa du regard son père qui était auprès de lui. Celui-ci dit alors : « Obéis à Abou al Qâsim r ! » Le jeune garçon se convertit de suite à l’Islam et le Prophète r sortit en disant : « Louange à Allah qui l’a sauvé de l’Enfer ! » [10].
Les joyaux que recèle cette Règle divine concernant le comportement qu'il convient d' avoir avec l’adversaire sont innombrables et ce bref exposé ne peut donc tous les évoquer. Nous faisons cependant mention de ce qui peut donner au lecteur le désir d'accroître ses connaissances relatives aux dogmes, aux ordonnances, aux principes, et aux valeurs de cette Règle divine. Et en ce sens nous mentionnons notamment qu' Allah enjoint à la victime d'une agression de pardonner à son agresseur quand elle est en mesure de faire respecter ses droits, et quand l'agresseur en question est digne d'être pardonné et que le pardon qu'il reçoit de sa victime et la bienfaisance dont elle fait montre à son égard contribuent à corriger sa conduite,. Allah dit : [ La sanction d'un mal est un mal identique; celui qui pardonne et corrige trouvera ainsi sa récompense auprès d'Allah. Allah n'aime pas les injustes. ] (Sourate La Délibération, Ach- Chourâ, 42, Verset 40). [ Si vous châtiez, châtiez comme vous l'avez été. Mais si vous faites montre de patience [envers celui qui vous a châtiés ]… ce sera mieux si vous êtes patients.] (Sourate Les Abeilles, An-Nahl, 16, Verset 126). C'est pourquoi, après qu'il fut rentré victorieux à La Mecque, avec désormais entre ses mains le sort de ceux qui lui avaient causé du tort, tuaient ses Compagnons et les avaient tous contraints à quitter La Mecque, le Messager d’Allah r prononça ces paroles célèbres quand ils furent tous réunis à la Mosquée : «Que voulez-vous que je fasse de vous ?» Ils répondirent :« Sois bon avec nous, frère généreux, fils d’un frère généreux!» Il leur dit alors : « Partez, vous êtes libres !»[11].
5-Le comportement qu'il convient d'avoir avec l'adversaire ne s'arrête pas là. Ainsi, outre les instructions données précédemment, Allah recommande de faire montre de bonté et de bienfaisance envers l’adversaire qui ne combat pas les Musulmans et ne les expulse pas de leurs demeures. Le Très-Haut Le Tout-Puissant dit en effet:[Allah ne vous interdit pas d'être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de votre foi et qui ne vous ont pas expulsés de vos maisons ; Allah aime ceux qui sont équitables]. (Sourate L’Éprouvée, Al Mumtahanah, 60, Verset 8). Ibn Jarîr – qu'Allah lui accorde la miséricorde – dit : « De toutes les explications fournies pour ce Verset, la plus correcte est celle qu'avance cet exégète :"Cette Parole signifie qu’Allah ne vous interdit aucunement d'avoir des rapports avec les adeptes de toutes les confessions et religions, ni de vous conduire avec eux avec bienfaisance et équité, s'ils ne vous combattent pas pour la religion que vous avez"»[12]. Le témoignage suivant est une illustration de la mise en application de cette conduite:Asmâ bint abou Bakr-qu'Allah soit satisfait de lui et d'elle - rapporte ce qui suit : « Ma mère vint me rendre visite à l’époque du Messager d’Allah r alors même qu’elle était associatrice. Je consultai alors le Messager d’Allah r et lui dis: "Ma mère est arrivée et elle désire rester en contact avec moi ; est-ce que je continue à entretenir des liens avec elle ?"-"Oui, répondit le Prophète r, ne romps pas tes liens avec ta mère!"»[13].
Quand on compulse la biographie du Messager r on relève un certain nombre de situations qui mirent aux prises celui-ci avec des Juifs et des Chrétiens de son époque. L'évocation de ces situations et de ces évènements n'est pas envisageable dans le cadre de cette étude qui se veut succincte. Je tiens cependant à dire que la position du Messager r vis-à-vis des Juifs et des Chrétiens n’était pas de nature raciste et n'avait donc aucun rapport avec l' identité ou l' appartenance ethnique de ces derniers. Le Prophète r avait d'ailleurs à son service un jeune garçon juif; il commerçait avec les Juifs – comme le récit de Zayd bin Su،nah nous l'a montré – et quand il mourut, son bouclier était alors retenu en gage chez un Juif [14]. Les rabbins assistaient aux audiences qu'il tenait. Le Juif parlait alors de ce qu'il trouvait juste dans la Torah et le Prophète r approuvait[15].
La position du Prophète r vis-à-vis des Juifs et des Chrétiens ne relevait pas non plus des noms portés par leurs religions parce que la religion qu'introduisirent Moïse et ensuite Jésus – que la paix soit sur eux – est en réalité la même que celle apportée par Muhammad r au regard des fondements et des règles. Tous les Messagers – que la prière et le salut soient sur eux tous- sont en effet venus inviter leurs communautés respectives à reconnaître l’Unicité foncière d’Allah et à obéir au Messager dépêché par Le Tout-Puissant en observant ses enseignements et ses injonctions. Cependant les Juifs et les Chrétiens contemporains du Messager d’Allah r étaient, pour la plupart d'entre eux, en discordance flagrante avec ce que les Prophètes et Messagers avaient apporté. En conséquence de quoi ils étaient conspués, leurs calomnies étaient contredites et la spéciosité de leurs arguments démasquée. Ils sont ainsi évoqués dans Les Paroles du Tout-Puissant : [ Mais ils ont rompu leur alliance; Nous les avons maudits et Nous avons endurci leurs cœurs. Ils altèrent le sens des Paroles Révélées; ils oublient une partie de ce qui leur a été rappelé. Tu ne cesseras pas de découvrir leur trahison- sauf chez un petit nombre d'entre eux – Oublie leurs fautes et pardonne. Allah aime ceux qui se comportent bellement. Parmi ceux qui disent : " Nous sommes Chrétiens, nous avons accepté l'alliance ", certains ont oublié une partie de ce qui leur a été rappelé. Nous avons suscité entre eux l'hostilité et la haine, jusqu'au Jour de la Résurrection – Allah leur montrera bientôt ce qu'ils ont fait - ] (Sourate La Table, Al Mâ’idah, 5 , Versets 13-14). Méditez cette Parole du Très-Haut : [(…) sauf chez un petit nombre d’entre eux (…) ]. En effet le Verset ne prend pas à partie l'ensemble des Chrétiens mais décrit et définit bien ceux à qui il s'adresse.
Dans le Verset suivant, le Coran les blâme en raison de leur position coupable par rapport à la vérité et de leur volonté de détourner les gens de la Voie d'accès à cette vérité. Le Tout-Puissant dit ainsi : [Dis :“Ô gens du Livre, pourquoi ne croyez-vous pas aux Versets d’Allah alors qu' Allah est témoin de vos actions ?”Dis “Ô gens du Livre, pourquoi détournez-vous le croyant de la Voie d'Allah et voudriez-vous la rendre tortueuse, alors que vous êtes témoins? Allah n’est nullement inattentif à ce que vous faites. "Ô vous qui croyez! Si vous obéissez à certains de ceux qui ont reçu le Livre les croyants ils vous rendront incrédules, alors que les Versets d'Allah vous sont récités, alors que Son Prophète est parmi vous ? Celui qui s'attache fortement à Allah sera dirigé sur la Voie droit ] (Sourate La Famille de cImrân, Âl cImrân, 3, Versets 98-101).
Malgré le comportement souvent injustifiable des adversaires, la droiture reste la marque indélébile de la ligne de conduite que l'Islam enjoint d'observer envers tout opposant. Le Très-Haut dit ainsi dans le Verset suivant : [ Certains, parmi les gens du Livre, te rendront le qintar que tu leur as confié D'autres ne te rendent le dinar que tu leur as confié que si tu les harcèles. Il en est ainsi parce qu'ils disent : Ces illettrés [soit : ces Arabes] n'ont aucun moyen de nous contraindre. Ils profèrent des mensonges contre Allah, alors qu'ils savent.] (Sourate La Famille de cImrân, Âl cImrân, 3, Verset 75). Le Tout-Puissant précise cependant:[Ils ne sont pas tous semblables. Il existe, parmi les gens du Livre, une communauté droite dont les membres récitent, durant la nuit, les Versets d'Allah. Ils se prosternent; ils croient en Allah et au Jour Dernier; ils prescrivent ce qui est convenable; ils proscrivent ce qui est blâmable; ils s'empressent de faire le bien; voilà ceux qui sont au nombre des justes. Quelque bien qu'ils accomplissent, il ne leur sera pas dénié car Allah connait ceux qui Le craignent] (Sourate La Famille de cImrân, Âl cImrân, 3, Versets 113-115).
Après ce formidable périple en compagnie des valeurs, des modèles et des principes de l'Islam, nous ne pouvons que reconnaître notre incapacité à cerner tout ce que contient cette Religion, car les éléments que nous n' avons pas abordés sont bien plus nombreux que ceux qui furent ici exposés et que ce qui a été exposé est bien moindre que ce qui doit être mentionné. Malgré tout, comme le déclare le professeur Muhammad ،Abd Allah Dirâz dans la conclusion de son admirable livre La religion :«Quand il se rend compte que l'Islam cerne la totalité de la connaissance, le chercheur objectif ne peut voir en cela qu'un nouveau signe attestant que le glorieux Coran n'est pas l’illustration de la psychologie d’un individu, ni le miroir de la mentalité d’un peuple ni le registre de l’histoire d’une époque, mais qu'il est le Livre ouvert de l’humanité et la Source à laquelle elle s'abreuve. Quelque soit ainsi l’éloignement des pays et des époques, aussi nombreuses soient les races, les couleurs et les langues, quelque soit l'écart entre les imprégnations culturelles et les inclinations naturelles, tous ceux qui sont en quête de vérité trouvent dans l'Islam une Voie aplanie qui les conduit vers Allah avec discernement et sur la base d'une preuve évidente. Le Très-haut dit : [Oui, Nous avons facilité la compréhension du Coran en vue du Rappel. Y a-t-il quelqu’un pour réfléchir ?] (Sourate La Lune, Al Qamar, 54, Verset 17) [16].
[1] Jâmi، al bayân, 6/66.
[2] Marc 7, 25-27.
[3] Matthieu 7 : 6.
[4] Matthieu 10 : 5-6.
[5] Un sâ، est une mesure qui était utilisée, et est encore parfois en usage, pour estimer le poids de diverses productions, comme le blé, le riz, la farine et les dattes et qui se situe entre près de deux kilos et près de quatre ( selon la production ). En ce qui concerne les dattes, le sâ، équivaut à plus ou moins deux kilos; son estimation diffère légèrement selon les variétés de dattes (NdT).
[6] Al ahâdîth al mukhtârah, 9/446-448; Al mustadrak:, 3/700.
[7] Voir Al musannaf de ،Abd al Razâq, 5/365, et Tafsîr al Qur’ân al ،Azîm, 1/401.
[8] Allusion au Verset 80 de la Sourate 9, Le Repentir, At-Tawbah : [Demande pardon pour eux, ou ne demande pas pardon pour eux; si tu demandes pardon pour eux soixante dix fois - Allah ne leur pardonnera pas parce qu’ils sont absolument incrédules envers Allah et Son Prophète. Allah ne dirige pas les gens pervers] (NdT).
[9] Sahîh Al Bukhârî, Hadith 4394, 4/1715.
[10] Ibid., Hadith 1290, 1/455.
[11] Voir As-sunan al kubrâ , Al Bayhaqî, 9/118, Ibn Hajar juge ce Hadith de bonne crédibilité dans Fath al bârî, 8/18.
[12] Jâmi، al bayân, 28/66.
[13] Sahîh Al Bukhârî, Hadith 2477, 2/924 et Sahîh Muslim, Hadith 1003, 2/696.
[14] Sahîh Al Bukhârî, Hadith 1963, 2/729.
[15] Sahîh Muslim, Hadith 2786, 4/2147.
[16] Ad-dîn, p.172.