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Le besoin de religion

Après avoir exposé les principaux critères qui permettent d’établir une distinction entre la religion authentique et la fausse religion, il convient d’aborder la question de savoir si la religion authentique est un réel besoin pour  l’être humain ou un luxe intellectuel  dont il est possible de se passer ?


Pour répondre à cette question, il est impératif de garder à l’esprit l’essence même de l’être humain, la matière avec laquelle il a été créé, et le but de sa création. L’être humain est en effet  créé d' argile, matière  à laquelle  l'esprit est insufflé,  et formé d’un corps et d’une âme. Il vit dans une société où il est à la fois sollicité par les multiples tentations de son environnement qui le distraient de la religion, et redevable des charges qu'il a  reçues  de  son  Créateur  et pour l'exécution  desquelles il sera  inéluctablement  rétribué,  qu’il les ait  bien ou mal exécutées.


Une observation de l’être humain à travers les époques et en quelque endroit qu'il se trouvât sur cette terre,  nous montre  que c'est une créature attachée à la religion,  qui ne  vit pas  sans religion. Un nombre conséquent d’études confirment ainsi que l’homme éprouve le besoin de religion.  Ce besoin  est bien plus important  que celui de consulter  un médecin, que le besoin de nourriture ou de boisson, comme l'affirme Ibn al Qayyim – qu'Allah lui accorde la miséricorde [1].


Quant aux raisons de ce besoin humain de religion,  elles sont nombreuses. Les réponses des chercheurs en ce qui concerne leur dénombrement  et leur évocation  sont  certes  variées mais cependant  toutes unanimes à souligner la réalité de ce besoin et la grande diversité de ses causes. Nous pouvons lire dans le dictionnaire Larousse du vingtième siècle que: «L’instinct religieux est commun à toutes les catégories d’êtres humains, même chez les plus sauvages et les plus  proches de la vie animale (…)  et l’intérêt pour le sens divin et le supranaturel est l’une des tendances mondiales constantes de l’humanité»[2].


Arnold Toynbee  explique que : « L’essence de la religion est d’une constance semblable  à celle de la nature humaine elle-même. En réalité, la religion est une marque  intrinsèque  typique de la nature humaine»[3].


Le professeur Dirâz, quant à lui, nous rapporte que les  historiens  des religions reconnaissent à l'unanimité  cette  réalité de la religion. Il déclare ainsi que: « La réalité sur laquelle s'accordent les historiens des religions  est  le fait qu' aucune communauté humaine, aucune grande nation, ne sont apparues, n'ont vécu et n'ont disparu  sans que leurs membres n'aient réfléchi  sur l'apparition de l’homme et son devenir ou n'aient interprété  les phénomènes de l'univers et  ses événements, sans qu'ils n'aient eu un avis particulier  sur ces  questions,  juste  ou  erroné, certain ou  supposé, qui  les  aidât  en tout cas  à se  représenter la puissance à laquelle sont soumis  ces phénomènes dans leur formation et l’issue vers laquelle s'acheminent les êtres  après leur mort» [4].


Le professeur Qardawî dit, quant à lui :  « Le besoin  que ressent  l'être humain  d'adhérer à la religion en général, et en particulier d'adhérer à l'Islam, n’est ni secondaire, ni marginal. C’est un besoin crucial et fondamental en rapport avec l’essence de la vie, le secret de l’existence et les tréfonds de l’être humain».


En veillant à être aussi concis que possible  nous allons exposer  dans ce qui  suit les  manifestations  de  ce  besoin de  religion dans la vie de l’homme souligné par  le  professeur Qardawî  dans ses propos – espérant ne pas  altérer leur sens de ces derniers - :


Premièrement : La raison  éprouve le besoin de connaître les réalités majeures de  l’existence. Les causes en sont en résumé les suivantes   :

 1- Le besoin qu’éprouve l’être humain de souscrire à  une  croyance  religieuse   provient  tout d’abord de son besoin  de connaître sa propre personne et de  comprendre l' univers grandiose qui l'entoure, soit de  connaître la réponse aux questions  qui ont absorbé  les philosophies humaines, lesquelles  n'ont finalement rien dit à leur sujet qui soit satisfaisant. L'homme est ainsi,  depuis son enfance,  assailli  de questions qui nécessitent des réponses, telles que : d'où est-ce que je viens ? où est-ce que je vais ? et pourquoi ? Même  si le fait de  consacrer la plus grande partie de son existence  à subvenir  à ses besoins immédiats de survie le distrait de ce questionnement, un jour arrive inéluctablement il se pose ces questions  éternelles :


a) D’où est-ce que je viens et d’où vient cet univers gigantesque  ? Est-ce que j’existe de mon propre chef  ou suis-je la création d' un Créateur  ? Qui est-Il ? Quel est  le rapport  entre Lui et moi ?  Il se pose le même type de questions  à l'encontre de  ce  vaste monde et de tout ce qu'il contient : sa  terre, son ciel, ses animaux et ses végétaux, ses êtres inanimés et ses orbites célestes: ce monde  existe-t-il de lui-même ou a-t-il été  façonné par un Créateur  Suprême Qui  l’administre ?

b) Puis : qu’y a-t-il après cette vie… après la mort ? Quelle est  ma  destination après ce court voyage sur ce globe terrestre ? L'histoire de la vie se réduirait-elle à celle de matrices qui enfantent  et d' une terre qui ensevelit ? Il  n'y aurait donc  rien après la vie ?


c) Ensuite,  pour quelle raison l’homme a-t-il été créé ? Pourquoi l’a-t-on doté d’une raison et d’une volonté qui le distinguent des animaux ? Pourquoi lui a-t-on assujetti ce qu’il y a dans les cieux et  sur terre ? Son existence a-t-elle un but ? A-t-il une mission dans la vie ? Ou bien n'est-il créé que pour  manger comme mangent les bestiaux   avant de périr comme périssent les bêtes ? Si son existence a un but, quel est –t-il ? Comment peut-il le connaître ?


Ce que nous venons d' évoquer concernant le besoin de religion   qu'éprouve  l’homme  est en  rapport avec ses besoins rationnels. Toutefois, ce besoin  touche tout autant  l'affectif et le sentiment. L’être humain n’est  pas  seulement  une raison semblable aux cerveaux  électroniques. C’est bien plutôt tout à la fois  une raison, un affectif et un esprit. C’est ainsi qu’est constituée sa prime nature  et que s’exprime son tempérament. L’homme, par  nature, n'est convaincu  par  aucune  science et  aucune culture; aucun art,  aucune littérature  ne satisfont   son appétit insatiable  de compréhension du monde et de son existence ; aucun agrément et aucun plaisir ne comblent le vide qu'il ressent. Son âme  reste anxieuse, son esprit affamé, sa prime nature assoiffée,  sa sensation  de  vide et de  manque vivace, tant qu'il ne parvient pas à croire en Allah. La foi enfin trouvée, son anxiété fait alors  place à la sérénité, son tourment à l'apaisement,  sa peur à la quiétude, et il a le sentiment d'avoir enfin trouvé qui il est.



[1]    Miftâh  dâr as-sa،âdah, 2/383.

[2]    Ad-dîn, p. 82.

[3]    Dirâsât fi al adyân al wathniyyah  al qadîmah, p.  43.

[4]    Ad-dîn, p. 38.

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