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Deuxième partie Les valeurs sociales

Les valeurs abordées dans cette partie touchent un sujet dont l'étude accapare depuis fort longtemps la réflexion des étudiants, des penseurs et des sociologues. Ce sujet n'est autre que la  société. Les valeurs qu'il recouvre  sont considérées comme les fondements et les règles de toute  connaissance réelle  de la société. En outre  elles confirment que cette religion ultime, l’Islam, embrasse la totalité des besoins  des êtres vivants et de la vie elle-même. J'ai  entrepris ici de traiter  les valeurs sociales  les plus importantes relatives à ce sujet,  même si je ne puis point  faire montre d'exhaustivité, comme je l'ai  d'ailleurs   bien précisé dans l'introduction de cet ouvrage. Six déterminants s'inscrivent donc  dans les valeurs sociales. Les voici :

 

Premier déterminant : Le juste milieu (al wasatiyyah) 

Définition linguistique du terme wasatiyyah: Il est dit dans le dictionnaire Lisân al ،Arab: «Al wasat désigne ce qui, dans toute chose, est le  plus juste»[1]. Ibn Manzûr dit :«Le milieu / wasat d’une chose, c'est ce qui se trouve  entre ses deux extrémités et wasat signifie le meilleur. Le wasat et  l' awsatihi  d’une chose, c'est ce qu’elle a de plus juste. Un homme wasat  ou wasît est un homme bon» L’auteur d’Al mufradât  dit : « Le milieu/wasat d’une chose est ce qui se situe à  égale distance de ses deux extrémités» [2].


Ainsi donc al wasat  désigne  le juste et le meilleur ainsi que  la position médiane entre deux extrémités. Al wasat est donc éloigné à la fois de l' exagération et de la renonciation,  de l' abus  et  du  laxisme.


Considéré  que  le juste milieu revêt une excellence  telle  que les affaires des communautés et des individus  ne  peuvent  être correctement conduites  que si elles  le respectent,  cette religion  du monothéisme pur et foncier  qu'est l'Islam nous est parvenue comme la religion du juste milieu  et de la modération. L’Islam  enjoint à ses adeptes  de respecter le  juste milieu et les  encourage fermement en ce sens. Il montre clairement que la perdition, la perdition complète de l’être humain, se situe dans l’éloignement du  juste milieu, qu’il s’agisse de l’éloignement vers le rigorisme ou de l’éloignement vers le laxisme.


 Allah,  Le Très-Haut  Le Tout-Puissant,  a d’ailleurs  décrit la  communauté des Musulmans  comme étant la  communauté du juste milieu: [Ainsi Nous avons vous constitués en communauté du juste milieu, pour que vous soyez  témoins contre les   hommes et que contre vous le Messager soit témoin] (Sourate La Vache, Al Baqarah, 2, Verset  143). Commentant ce Verset, Ibn Jarîr – qu'Allah lui accorde la miséricorde –  dit : « En vérité, Allah Le Très-Haut  décrit les  Musulmans  comme communauté  du juste milieu en raison de leur pondération  dans  la religion. Ils ne font en effet  pas montre d'exagération  comme les Chrétiens qui ont abusivement instauré le  monachisme et outrepassent les limites par les  propos qu'ils tiennent  sur Jésus. Ils ne font pas montre non plus  de négligence  comme   les Juifs qui ont modifié le Livre d’Allah, assassiné leurs prophètes, et proféré  des mensonges sur  leur  Seigneur  qu'ils ont en  plus  renié. Les Musulmans sont donc des gens du juste milieu et de la  mesure dans la religion, ainsi qu’Allah les  décrit  considéré que  les choses les plus aimées   de  Lui  sont justement  celles du juste milieu» [3].


Allah a fait de cette religion qui exhorte au respect  du  juste milieu une voie droite sans aucune  déviation  conduisant  à ce qu’Il veut de Ses créatures et conduisant  les créatures  vers leurs  objectifs les plus élevés. Allah dit : [“Tel est dans sa rectitude Ma voie.  Suivez- la donc ;  ne suivez pas les chemins qui vous en fourvoieraient". Voilà ce qu'Il vous enjoint, escomptant que vous Le craigniez. ] (Sourate Les Bestiaux, Al Ancâm, 6, Verset 153). Allah  dirige   ainsi Ses créatures vers leurs objectifs terrestres  et leur assure  la sécurité dans l’Au-delà. Allah  Le Très-Haut  annonce: [Allah introduira bientôt dans Sa miséricorde et Sa grâce ceux qui auront cru en Lui et qui se seront  placés sous Sa protection; Il les dirigera  vers Lui dans un chemin de rectitude ] (Sourate Les Femmes, An-Nisâ’, 4,Verset 175). Les créatures d'Allah reçoivent ainsi Sa miséricorde dans la vie terrestre  et dans l’Au-delà de même  qu'elles  recevront  Sa miséricorde et le  Paradis dans l’Au-delà.

 

La mesure prônée par l'Islam consiste notamment à respecter strictement  dans l'adoration ce  qu'Allah a  prescrit,  sans rien  ajouter, et ce,  pour  prévenir  toute introduction d'éléments nouveaux  dans la religion  et éviter que l’individu ne  s'impose à  lui - même  une charge au-dessus de ses forces.  Al Bukhârî – qu'Allah lui accorde la miséricorde – rapporte que  Humayd bin abî Humayd at-Tawîl – d'après les  propos  rapportés  par celui-ci-a entendu Anas bin Mâlik dire :«Trois individus se présentèrent  chez les épouses du Prophète  pour  s'informer  des pratiques rituelles de celui-ci. Dès qu'ils en furent instruits ils  jugèrent ces pratiques  peu contraignantes et proclamèrent :"La différence entre  le Prophète r et  nous, c’est qu’Allah  a absout le Prophète r de ses  péchés, à la fois ceux qu'il a commis dans le passé et ceux qu'il commettra à l'avenir."  " Puisqu'il en est ainsi, dit l’un d’eux, je vais désormais  accomplir  la  prière toutes les nuits." "Moi, dit le second, je vais jeûner  tout le temps et ne romprai jamais le jeûne".  "Et moi, déclara le troisième, je vais me  priver de femmes et ne me marierai jamais. "Le Messager d’Allah r fit alors  son entrée et  dit  à ces hommes : "Est-ce donc bien vous qui tenez de tels propos?  Par Allah,  je crains et vénère Le Seigneur plus que vous, et cependant  je jeûne et j’interromps le jeûne au moment prescrit  par Allah, je prie et je dors et  j'épouse  des femmes. Quiconque dévie  du chemin que j’ai tracé  n’est pas des  miens"»[4].

Le Prophète r aperçut un jour, en entrant dans la mosquée,  une corde tendue entre deux piliers.  Il demanda alors: Que fait là cette corde ? " ." Ô Messager d'Allah! C’est la corde de Lahimnah, fille de Jahich ! " - lui répondit-on -  lorsqu’elle est fatiguée, elle s’y accroche" . Le Prophète r dit alors : " Qu'elle accomplisse donc  la prière rituelle en fonction  de ses  forces. Quand elle est fatiguée, qu'elle s'assied donc ! "  [5].


Le Prophète r rentra un jour dans la mosquée où se trouvait une corde tendue entre deux piliers. Il demanda alors : «  Que fait là cette corde?» On lui répondit : «C'est la corde de Zeinab*, quand elle se fatigue [ dans l'accomplissement de sa prière ] elle s'y accroche» «Détachez- là donc! Que chacun de vous accomplisse la prière rituelle  en  fonction de ses forces; si  vous êtes épuisés,  asseyez-vous donc ! »


Le juste milieu prôné par l'Islam se manifeste  également  dans la conciliation équilibrée que le musulman parvient à établir entre la religion et le temporel  et  qui assure  à chaque ayant droit le respect de son droit. Ainsi le musulman ne dépasse-t-il  pas la mesure dans l'adoration au point de s'oublier soi-même,  de devenir une charge pour autrui et  de délaisser  les droits de ceux qui sont à sa charge comme son épouse, ses parents et ses enfants. De la même manière,  il ne dépasse pas la mesure dans le domaine temporel  au point de devenir  l'esclave de l'argent, d'ignorer son Seigneur et de ne pas implorer le pardon de ses péchés. Allah Le Très-Haut dit, conseillant le respect de cet équilibre entre la religion et le temporel : [Recherche, à travers ce qu'Allah t'a accordé, la Demeure dernière sans du reste oublier ta part dans l'ici-bas. Agis bellement, comme Allah agit envers toi. N'aspire pas à faire dégât sur la terre. Allah n'aime pas les fauteurs de dégât ] (Sourate Le Récit, Al Qasas, 28, Verset  77). Ibn Jarîr – qu'Allah lui accorde la miséricorde – a dit : « Allah  Le Très-Haut dit à Karoun, rapportant ce que son peuple lui avait dit : " Ô Karoun, ne crois pas qu'il te soit  permis d'opprimer ton peuple parce que tu possèdes  un nombre considérable de biens. Recherche plutôt,  à travers les  richesses  qu’Allah t’a accordées, les biens de l’Au-delà en faisant participer ces richesses  à  l’obéissance à  Allah en ce bas-monde"» Puis Ibn Jarîr  cite  ces paroles d’Al Hasan – qu'Allah lui accorde la miséricorde – sur la signification du Verset suivant : [(…) sans du reste oublier ta part dans l'ici-bas (… ) ] : « Ta part dans l'ici bas  désigne ce  qu’Allah a rendu licite pour toi; et  cette part  est largement suffisante » [6].  Allah Le Très-Haut Le Tout Puissant  dit : [… en ces maisons [soit les mosquées] qu'Allah a permis d'élever et qu'y soit rappelé Son  Nom. Là, célèbrent Sa transcendance,  du matin au crépuscule, des hommes que nulle affaire, nul commerce ne distraient du Rappel d'Allah, de l'accomplissement de la prière rituelle, du versement de la purification [ soit l'aumône légale/zakah ], et qui redoutent le Jour où se révulseront les regards et les cœurs, afin qu'Allah les rétribue de plus beau qu'ils n'auront fait, avec en surplus une part de Sa grâce – car Allah gratifie qui Il veut sans compter ] (Sourate La Lumière, An-Nûr, 24, Versets  36-38). Le négoce ne distrait donc pas ces hommes de l'accomplissement de  la prière  ni ne  les empêche  d'acquitter la zakah. Qatadah  dit : « Les gens se livraient au troc et au négoce, mais  si le moment était venu de s’acquitter d’un droit envers Allah, ni le négoce ni le troc ne les distrayaient de Son évocation/ Son Rappel. Ils ne retournaient alors à leurs affaires qu'après  avoir  accompli leur devoir vis-à-vis d'Allah. »[7]  Ibn Kathîr – qu'Allah lui accorde la miséricorde – a dit :  « La vie ici- bas, ses décorations, ses ornements, les délices et les bénéfices de ses négoces,  ne les distraient point  de l'évocation  de leur Seigneur,  Qui est leur Créateur, Celui qui pourvoit à leur subsistance. Ceux  là sont ceux  qui savent  que ce qu'il y a  auprès de Lui est meilleur et plus utile  pour eux que ce qu’ils ont entre leurs mains, et ce parce que tout ce qu’ils possèdent  finit par  s’épuiser  tandis que ce qui est auprès d’Allah dure  éternellement» [8].

De la même manière qu'Il   enjoint de respecter un  équilibre entre le domaine de la religion et le domaine du temporel, Allah    permet  de  goûter aux  plaisirs de  cette vie ici-bas  qu'Il a  déclaré  licites, comme le port de belles tenues et la consommation de  nourritures délicates. Mieux encore, Allah a enjoint  aux croyants de revêtir  leurs plus beaux habits  quand ils se rendent  dans les mosquées : [ Ô fils  d’Adam ! revêtez votre parure  en  tout lieu de prière, et mangez et buvez mais sans excès: Il n'aime pas la démesure. Dis : “Qui donc a déclaré illicite la parure d’Allah, qu’Il a produite pour Ses adorateurs, ou les choses bonnes d'entre Ses attributions ?”.  Dis : “Elles appartiennent  aux  croyants pendant  leur   vie  d'ici-bas ; elles seront purifiées le Jour de la Résurrection ". Ainsi explicitons-Nous Nos  signes pour des gens capables de savoir ] (Sourate Les Murailles, Al Acrâf, 7,  Versets 31-32).


 Le Prophète r était vigilant envers  ses compagnons – qu'Allah soit Satisfait d'eux – et s’il découvrait que  l'un  d'entre eux  avait transgressé cette pondération enjointe par Le Très-Haut, il l'orientait alors vers une meilleure voie. Abou  al Ahwas  raconte  que son père, dont il rapporte les propos,  se présenta  au  Messager  r  dans un état crasseux.  Le Messager r  lui demanda : « As –tu des biens ?  » – « Oui ! », répondit le père d'Abou al Ahwas. « Quel type de biens ? », demanda le Prophète r. « Des biens  de toutes sortes : des chevaux, des chameaux  et des esclaves », répondit le père.  Le Prophète r lui dit alors: « Lorsqu’Allah t’accorde un bien, [fais en sorte] que cela se voit sur toi!»[9] Le Prophète r enseignait  à ses Compagnons qu’Allah aimait voir, sur Son serviteur, les traces de Ses bienfaits. ،Amrou  bin Chu،ayb  rapporte, d’après son père qui  tenait lui-même de son propre père ce Hadith, que le Messager d’Allah r  déclara: « Mangez, buvez et acquittez  l’aumône légale sans prodigalité  ni arrogance. En vérité, Allah Le Très-Haut aime voir les traces de Ses bienfaits sur Son serviteur. »[10] Ibn Mas،oud  rapporte le propos suivant du  Prophète r :  « N’entrera pas au Paradis  quiconque porte dans son cœur  un brin  d'arrogance, fût-il infime. » Un homme fit alors remarquer : « L’homme aime que son habit soit beau et que ses chaussures soient belles. »  Le Prophète r  répliqua : « Allah est Beau et aime la beauté;  faire montre d'arrogance c'est mépriser  le  droit  et  dédaigner autrui»[11].


L’Islam a introduit le juste milieu entre les besoins impératifs  du  corps  et  les constituants de l'âme.  Il  n'est  donc  pas  seulement une religion spirituelle, comme se limitent à l'être les  religions orientales païennes  zoroastriennes,  ni une voie de production matérielle et de gaspillage dans la recherche du seul bien-être corporel comme l'est  le modèle capitaliste. C’est tout  au contraire une voie médiane, comme nous l’avons déjà démontré, qui prend en compte tous les besoins de  l’être humain, afin que le Seigneur Tout-Puissant et Très-Haut soit Satisfait de Ses serviteurs et leur assure le bonheur dans la vie ici-bas  et dans   l’Au-delà.



[1] Lisân al ،Arab ( La langue des Arabes ), 7/427-430; le terme est évoqué dans la partie consacrée au même thème.

[2] Al mufradât, p. 522.

[3] Jâmi، al bayân, 2/6.

[4] Sahîh Al  Bukhârî, Hadith 5, 4776/1949,  et  Sahîh Muslim, Hadith 1401, 2/1020.

[5]  Sahîh Al  Bukhârî, Hadith 1109, 1/386, Sahîh Muslim, Hadith 784, 1/541.

*  Zeinab est l' une des filles du Prophète r (NdT).

[6] Jâmi، al  bayân, 20/111-112.

[7] Sahîh Al  Bukhârî, 2/726.

[8] Tafsîr al Qur’ân al ،Azîm, 3/296.

[9] Sunan An-Nasâ'î, 8/181, Hadith jugé authentique par Al Albânî dans ses annotations d' As-Sunan; voir aussi Sahîh,  Ibn Hibbân, 11/234, Al mustadrak ،alâ as-Sahîhayn 1/76. Al Hâkim a dit : " Voilà  un Hadith dont la chaîne des  rapporteurs est  authentique".  Adh-Dhahabî  a dit dans At-talkhî: "  Sa chaîne de rapporteurs  est authentique".

[10] Al musnad, 2/311. Les observateurs de Al mousou،ah al hadîthiyyah  jugent ce Hadith de bonne fiabilité; Sunan At-Tirmidhî 5/123. At-Tirmidhî a dit : " Ce Hadith est de bonne fiabilité "; Al mustadrak, 4/150; Al Hâkim affirme que la chaîne de rapporteurs de ce Hadith est authentique bien qu'  Al Bukhârî et Muslim ne l'aient pas rapporté; Adh-Dhahabî l'affirme authentique dans At-talkhîs.

[11] Sahîh  Muslim, Hadith  91, 1/93.

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