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Quatrième déterminant: La justice
La justice/al ،adl désigne le contraire de l’iniquité et de l'oppression/al jûr, et correspond à ce que les esprits perçoivent comme étant droit et juste. Il est dit que le terme adl est, en arabe, un radical de sens similaire à celui du terme al ،adâlah, lequel désigne la tempérance, la rectitude, l'inclination vers le droit et le légitime [1]. Ce principe de justice, grandiose dans son essence comme dans ses effets, Allah Se l'est d'abord imposé avant d'exiger de Ses serviteurs qu'ils le respectent. Il leur a formellement interdit de pratiquer l'injustice, à petites ou fortes doses, et ceci tout simplement parce que la vie ne se maintient pas avec l'injustice et l'oppression alors même qu' elle supporte la gêne matérielle, l'austérité et le manque de moyens.La pérennité des États, des royaumes et des civilisations ne peut reposer que sur un système de justice, d’égalité des droits et de respect des engagements. Si l’individu ou le citoyen n’a pas la certitude que la totalité de ses droits seront respectés et si l’oppresseur n'a pas l' assurance d'être réprimé dans un bref délai, la civilisation à laquelle ils appartiennent ne peut résister longtemps, aucun ordre ne peut régner au sein de l' État et aucune sécurité ne peut jamais être garantie.
C'est en raison de l'importance de ce principe que les Textes du Coran et de la Sunna sont si nombreux à exhorter au respect de la justice et à interdire l’iniquité, à exposer clairement les effets de l'équité et à mettre en garde contre les conséquences fâcheuses de l’oppression, à décrire ce qu'il adviendra des injustes et à annoncer le triomphe des êtres équitables ici-bas et dans l’Au-delà. Dans l'un de ces Textes Allah Le Très-Haut Le Tout-Puissant S' interdit à Lui-même l’injustice; Il déclare ainsi dans un Hadith Qudsî* : " Ô Mes serviteurs ! En vérité, Je Me suis formellement interdit d'être injuste et Je vous ai formellement interdit d'être injustes entre vous; aussi, ne soyez pas injustes les uns envers les autres (… ) Ô Mes serviteurs ! En vérité ce ne sont que vos œuvres que Je prends en compte et c'est en fonction d'elles que Je vous rétribuerai. Dès lors, que celui qui trouve le bien rende grâce à Allah et que celui qui trouve autre chose [ que le bien ] ne blâme que lui-même ! " [2].
Le Prophète r pratiqua l’équité de la plus belle manière : il est là, souffrant de la maladie qui va causer sa mort, pleinement conscient qu' il va quitter cette vie terrestre et craignant de rencontrer son Seigneur avec sur son cœur le poids d' une injustice commise envers un être ici-bas. Le voilà alors qui sort de chez lui et qui, prenant appui sur son cousin paternel, Al Fadl bin ،Abbâs, avance d’un pas chancelant jusqu'à la mosquée. Le voilà maintenant qui monte sur sa chaire. Mais laissons plutôt Al Fadl bin ،Abbâs nous relater cet épisode :« Le Messager d’Allah r vint à moi, terriblement affaibli par la maladie et le crâne bandé. Il me dit : " Tiens ma main, Fadl ! " Je tins sa main jusqu'à ce qu’il se fut assis sur sa chaire. Puis il déclara : "(…) Que celui dont j’ai pris un bien prélève ce qu'il désire sur mes biens que voici" . Un homme se leva et dit : " Ô Messager d’Allah ! Tu me dois trois dirhams" Le Prophète r répondit : " Je ne traiterai pas mon interlocuteur de menteur et je ne lui demanderai pas de jurer. Quand donc t'ai-je emprunté ces dirhams? " L'homme dit : "Ne te rappelles-tu pas qu'un mendiant était passé près de toi, que tu m’avais demandé de lui faire l'aumône et que je lui avais donné trois dirhams ?"Le Prophète r dit alors : "Rends-lui cette somme, ô Fadl !" »[3].
Du vivant du Prophète r, un vol fut commis. La voleuse était une femme des Banî Makhzoum, l' un des clans de la grande tribu Quraychite à laquelle appartient le Messager r. En outre Banou Mahkzoum était le clan d'appartenance de Khâlid bin al Walîd- qu'Allah lui accorde la miséricorde -, l’un des plus importants commandants militaires de son temps. Pour traiter cet incident, la société retourna aux pratiques inéquitables qui avaient cours à l’époque antéislamique, dite de l'ignorance, qui favorisaient, en les jugeant avec partialité, les personnes de noble origine et n'appliquaient scrupuleusement les règles que quand les personnes incriminées étaient d'humble condition. Les membres du clan Banou Makhzoum se mirent alors à chercher la personne qui intercéderait en faveur de la voleuse auprès du Messager r. C’est ainsi qu’ils proposèrent au bien-aimé du Prophète r, fils de son bien-aimé, soit Usâmah fils de Zayd – qu'Allah soit satisfait d'eux-d'aller parler au Messager r .Quand il fut mis au courant par Usâmah de l'affaire, le Prophète r se mit en colère contre cette manière inacceptable et injuste de traiter la situation et expliqua que cet arbitraire était la voie qu'avaient empruntée les nations disparues. ،Â'ichah- qu'Allah soit satisfait d'elle-rapporte qu'une femme de Banî Makhzoum[4] vola, que les membres de son clan se demandèrent qui devait intercéder en sa faveur auprès du Prophète r et que personne n’eut le courage de parler à celui-ci; c'est Usâmah bin Zayd qui finalement aborda la question avec le Prophète r , lequel répondit alors : « Quand au sein de Banî Israël une personne de noble condition volait, on la laissait tranquille, mais quand une personne de faible condition volait, alors on lui coupait la main. Si c'était Fâtimah [ soit la propre fille du Prophète r ] la voleuse, je lui ferai couper la main»[5]. Le Prophète r expliqua donc clairement que la loi devait s'appliquer à tous les individus de la société sans distinction, même si la voleuse était sa propre fille Fâtimah- qu'Allah soit satisfait d'elle et la préserve de la commission d' un tel délit!
Le Musulman doit formellement faire montre de justice envers le proche parent comme envers la personne avec laquelle il n'est relié par aucune parenté, envers l’ennemi comme envers l’ami, et même si ces personnes ont été injustes car l'injustice qu'elles ont pu commettre ne justifie en aucun cas que soit outrepassé leur droit à être traités équitablement. Allah dit: [Que la rancune envers un peuple qui vous a obstrué la voie vers la Mosquée sacrée ne vous incite pas à devenir des agresseurs. Bien plutôt encouragez-vous mutuellement à la piété et à la crainte révérencielle d'Allah ! ne vous encouragez pas mutuellement au péché non plus qu'à l'agression. Craignez Allah ! Allah est en vérité terrible en Son châtiment ] (Sourate La Table servie, Al Mâ’idah, 5, Verset 2). Le Tout-Puissant dit, rappelant à Ses serviteurs l'obligation formelle d' être juste, que celui qui est en tort soit un proche parent pauvre ou un noble riche: [Ô vous qui croyez !Pratiquez avec constance la justice en témoignage de fidélité envers Allah, fût-ce contre vous- mêmes, contre vos père et mère ou proches parents; qu’il s’agisse d’un riche ou d’un indigent, Allah est plus apte à les prendre en considération. Ne suivez donc pas les passions au détriment de l'équité; mais si vous louvoyez ou si vous refusez [de dire la vérité], sachez qu'Allah est parfaitement Informé de vos agissements] (Sourate Les Femmes, An-Nisâ’, 4, Verset 135).
Après que l’État Islamique se fut agrandi et eut recouvert désormais un territoire immense, le commandant Qutaybah –qu'Allah lui accorde la miséricorde – conquit la ville de Samarkand et installa entre ses murs un certain nombre de Musulmans sans consultation des populations autochtones. Or cette manière de faire déplut fortement aux populations en question qui dépêchèrent alors auprès du calife une délégation. Celle-ci se plaignit au calife des initiatives du commandant Qutaydah, l'informant qu'il avait installé des Musulmans dans leur ville sans les consulter au préalable. Le calife ،Omar écrivit à son gouverneur pour lui demander de nommer un juge charger de régler ce litige. Il précisa que si ce dernier décrétait l'expulsion des Musulmans, ces derniers seraient de facto expulsés. Le gouverneur en question nomma à ce poste le juge Jamî، bin Hâdir al Bâjî, lequel décréta l’expulsion des Musulmans. Lorsque les habitants de Samarkand virent qu’ils avaient désormais les choses en main, ils acceptèrent la présence des Musulmans installés par Qutaydah qui demeurèrent finalement parmi eux[6].
[1] Al qâmous al muhît, 1/1331, Lisân al ،Arab, 11/340; At-ta،rifât, 1/192; voir également Al hudoud al anîqah, 1/73.
* Un Hadith Qudsî est une Parole que le Messager d'Allah a rapportée, dans la lettre et la substance, du Seigneur Tout-Puissant ( NdT).
[2] Sahîh Muslim, Hadith 2577, 4/1994.
[3] As-sunan al kubrâ , Al Bayhaqî, 6/74. L’essentiel de ce Hadith se trouve mentionné dans Sahîh Al Bukhârî, Hadith 3816, 6/1486.
[4] Il s'agit bien entendu du même épisode et de la même femme (NdT).
[5] Sahîh Al Bukhârî, Hadith 3526, 3/1366.
[6] Al kharâj wa sinâ،ah al kitâbah, 1/408-409.