Recherchez
Quatrième déterminant : La miséricorde/ ar-rahmah
Définition du terme: rahmah, comme marhamah, évoquent [en arabe] la bonté, la tendresse, la clémence, la compassion. On dit : "tarâhama al qawm " pour dire que les membres du peuple font montre de compassion les uns envers les autres. Le terme rahim, dérivé de rahmah désigne la parenté, la consanguinité [1].
Ar-Râghib dit :« La miséricorde/ar- rahmah est une forme de bonté supposant le bel-agir envers la personne pour laquelle on éprouve cette miséricorde. Ce mot est employé tantôt pour désigner simplement la bonté, et tantôt pour désigner le bel-agir, détaché de la bonté, comme lorsqu’on dit par exemple : qu’Allah soit miséricordieux envers untel. La miséricorde recouvre donc deux sens, à savoir la bonté et le bel-agir »[2].
Le concept de miséricorde dans l'Islam est tellement vaste qu'il ne peut être évoqué de manière sommaire et ce d'autant plus que " Le Très-Miséricordieux/ ar-Rahmân " et "Le Tout-Miséricordieux/ ar-Rahîm" sont deux des Noms d’Allah Le Très-Haut Le Tout-Puissant, et que la miséricorde est l'un de Ses attributs. La miséricorde est aussi au cœur du Message divin et compte parmi les attributs du Messager r. Muhammad r est le Prophète de la miséricorde, comme nous le verrons un peu plus loin. Par ailleurs, Allah Le Très-Haut Le Tout Puissant a envoyé Son Messager r comme miséricorde pour les mondes. Le Très-Haut dit : [Nous ne t’avons envoyé que comme miséricorde pour les mondes] (Sourate Les Prophètes, Al Anbiyâ’, 21, Verset 107). Allah Le Tout-Puissant l’a en effet envoyé comme miséricorde pour l'ensemble des créatures, qu'elles aient la foi en Allah ou soient dénégatrices. C’est pourquoi Ibn Jarîr, l’imam des exégètes du Coran, a dit après avoir rapporté les diverses interprétations de ce Verset : «L'explication la plus pertinente de ce Verset est celle que fournit Ibn ،Abbâs : Allah a envoyé Son Prophète Muhammad r comme miséricorde pour l'ensemble des êtres humains, les croyants comme les dénégateurs. Le croyant, Allah le guide vers le chemin de rectitude par la voie de Son Messager, l'introduit au Paradis grâce à la foi qu'il a dans le Prophète r et grâce à ses actions conformes à ce qu'Allah lui prescrit. Quant au dénégateur, Allah, toujours par la voie du Prophète, éloigne de lui le malheur qui était prêt à s'abattre sur sa tête, celui-là même qui frappait les peuples antérieurs traitant de menteurs leurs Messagers » [3].
Après avoir clairement montré que le Message de Muhammad était une miséricorde pour les mondes, allons, cher lecteur, nous abriter à l’ombre de cette miséricorde, puis entreprenons d' exposer les signes prouvant que notre Seigneur Le Tout-Puissant est Miséricordieux, avant d'évoquer la miséricorde de notre Prophète Muhammad r et voir comment il enseigna à sa communauté à faire montre de miséricorde.
Les preuves [4] de la miséricorde d'Allah le Très-Haut Le Tout-Puissant résident notamment dans la présence, parmi Ses Noms, du" Très-Miséricordieux/ ar-Rahmân" et du" Tout-Miséricordieux/ ar-Rahîm" et, parmi Ses attributs, de" la miséricorde" . Le Très-Haut dit ainsi : [ Ton Seigneur, Le Tout pardon, Le Maître de miséricorde (…) ] (Sourate La Caverne, Al Kahf, 18, Verset 58). La preuve inébranlable de Sa miséricorde envers Ses créatures est attestée par le fait qu'Il s'est assigné à Lui-même la miséricorde. Le Tout-Puissant dit ainsi : [Dis : “À qui appartient ce qui est aux cieux et sur la terre?” Dis:“À Allah!”Il S’est assigné à Lui-même la miséricorde. J'atteste qu'Il vous réunira au Jour de la Résurrection : nul doute là-dessus " . Ceux qui se seront perdus eux-mêmes c'est qu'ils ne croient pas ] (Sourate Les Bestiaux, Al Ancâm, 6, Verset 12). Le Tout-Puissant a également annoncé que Sa miséricorde embrassait toute chose. Le Très-Haut dit en effet:[(…) Ma miséricorde s'étend à toute chose. Je l'inscris pour ceux qui Me craignent, acquittent la zakah, et ceux qui croient, eux, à Nos signes ] (Sourate Les Murailles, Al Acrâf, 7, Verset 156). Le Prophète r a quant à lui expliqué que l'une des manifestations de la miséricorde d'Allah envers Ses créatures résidait dans le fait que Le Tout-Puissant s'était fait un devoir de donner à Sa miséricorde la préséance sur Son courroux. Abou Hurayrah rapporte qu’il entendit le Messager d’Allah r dire : «Avant de façonner les créatures, Allah a inscrit ceci au-dessus de Son Trône : En vérité, Ma miséricorde a la préséance sur Mon courroux »[5].
Mieux encore, Allah a enjoint à Son messager r d'annoncer aux croyants qui commettent des péchés et souhaitent ardemment se repentir, pour les réjouir de cette bonne nouvelle : Paix sur vous, Allah s’est assigné à Lui-même la miséricorde et l'une des marques de Sa miséricorde est qu’Il accepte le repentir de celui qui se repent. Le Tout-Puissant dit à ce propos: [Quand viennent à toi ceux qui croient à Nos signes, alors dis-leur : “Que la paix soit sur vous ! Votre Seigneur S’est assigné à Lui-même la miséricorde. Quiconque d’entre vous commet un mal par ignorance, puis se repend et s'amende ... Il est alors Tout pardon, Tout-Miséricordieux”] (Sourate Les Bestiaux, Al Ancâm, 6, Verset 54). Après avoir évoqué les diverses interprétations de ce Verset, Ibn Jarîr – qu'Allah lui accorde la miséricorde – a déclaré : « La signification de ce Verset – s'il en est bien ainsi que nous l'expliquons – est la suivante:Ô Muhammad, quand viennent à toi ceux qui ont foi en Notre Révélation, en Nos preuves et en Nos arguments que, de fait, ils admettent en paroles et en actes, pour t’interroger au sujet des péchés qu’ils ont commis envers Moi dans le passé, et savoir s’ils peuvent s’en repentir, ne les mets pas dans le désespoir mais dis- leur :" Que la paix soit sur vous ! Allah vous rassure; Il ne vous châtiera pas pour vos péchés après votre repentir. Votre Seigneur S'est assigné à Lui-même la miséricorde, ce qui signifie qu' Il a décrété qu' Il ferait montre de miséricorde envers Ses créatures qui commettent un mal par ignorance, et ensuite se repentent et s’amendent... Il est alors Tout pardon, Tout- Miséricordieux. " »[6].
Le Prophète bienfaisant r a fort bien souligné qu'Allah était plus Miséricordieux envers Ses serviteurs que ne l’était la mère aimante envers ses enfants. Ainsi alors qu' une femme était en train d'allaiter son jeune enfant, il demanda à ses compagnons : « Est-ce que vous pouvez vous imaginez cette femme jetant son enfant dans le feu ? » – « Non ! - répondirent les Compagnons - pas tant qu’il est en son pouvoir de ne pas le faire !» Le Prophète conclut r: « Sachez qu' en vérité, Allah est plus miséricordieux envers Ses serviteurs que ne l'est cette mère envers son enfant »[7].
Cette miséricorde dont font montre les créatures les unes envers les autres ne représente en vérité que le centième de la Miséricorde du Très-Haut, du Tout-Puissant. Dans un Hadith authentique rapporté par Abou Hurayrah le Messager d’Allah r déclare :«Lorsqu' Allah créa la miséricorde, c'est en réalité cent miséricordes qu'Il créa. Puis Il en retint auprès de Lui quatre-vingt dix-neuf et envoya à l'ensemble de Ses créatures la miséricorde restante. Si le dénégateur connaissait l'ampleur de la miséricorde qui se trouve auprès d’Allah, il ne désespérerait pas du Paradis, et si le croyant connaissait l'ampleur du châtiment qui se trouve auprès d’Allah, il ne serait plus aussi certain d'éviter l’Enfer» [8].
Quant à la miséricorde de notre Prophète Muhammad r, elle est manifeste dans son message,lequel est en soi une miséricorde, comme nous l’avons déjà expliqué, et dans la description que fait de lui son Seigneur : [ Un Messager, pris parmi vous, est venu à vous. Les difficultés que vous subissez lui pèsent; il est avide de votre bien; Il est bon et miséricordieux envers les croyants] (Sourate Le Repentir, At-Tawbah, 9, Verset 128). Il est, de tous les êtres créés, celui qui est le plus miséricordieux envers son prochain, ce don’t témoigne notamment le fait que, malgré la tentative des dénégateurs de le supprimer, malgré les outrages extrêmes qu'ils lui firent subir et la pression qu'ils firent peser sur lui et ses Compagnons au point de les contraindre à émigrer pour sauvegarder leur religion, il quitta ces dénégateurs afin d'éviter que le châtiment ne s'abatte sur eux. Et alors que l'Ange chargé des montagnes descendait auprès de lui en compagnie de l’Ange Gabriel – que la paix soit sur eux – pour châtier les Quraychites, le Prophète r prononça cette phrase célèbre: « Il se peut qu’Allah fasse voir le jour, au sein de leur descendance, à des êtres qui L’adoreront» [9]. Puis, après qu' Allah lui eut permis de conquérir La Mecque, le Prophète rentra dans cette Cité Sacrée sans combat et s'adressa à ses ennemis en ces termes : «Partez, vous êtes libres!»[10] Nous parlerons davantage de la miséricorde du Prophète r envers ses ennemis lorsque nous aborderons la question de la tolérance envers l’adversaire.
Le Messager r témoignait également de la miséricorde à l'égard du petit enfant qu'il n' hésitait pas à embrasser et poser sur ses genoux. Dans un Hadith authentique, Abou Hurayrah rapporte que le Messager d’Allah r embrassa Al Hasan bin ،Alî* en présence d' Al Aqra، bin Hâbis at-Tamîmî et que celui-ci lui fit alors la réflexion suivante : « J’ai dix enfants et je n'en ai jamais embrassé aucun! » Le Messager d’Allah r le regarda et lui dit : «Celui qui ne montre pas de compassion ne recevra pas de compassion»[11]. Il arrivait même que le Prophète r dirigeât la prière rituelle obligatoire avec un enfant sur ses épaules. Abou Qatâdah rapporte ainsi : « Le Prophète r se présenta à nous avec Umâmah bint abî Al ،Âs juchée sur ses épaules. Il se mit accomplir la prière et, lorsqu’il dut s'agenouiller, déposa l'enfant à terre; en se relevant il la replaça sur ses épaules»[12]. Quant à la miséricorde et la sollicitude qu'il montrait à la femme, un traitement particulier a été réservé à cette question dans cette étude.
On rapporte qu'un jour Al Farouq – soit ،Omar bin al Khattâb- sollicita les services d'un homme de la tribu des Banî Asad et que cet homme se présenta pour effectuer le travail en question au moment où ،Omar embrassait l'un de ses enfants qu'on venait de lui amener. L’homme s'exclama alors : « Tu embrasses cet enfant ! Je n’ai jamais embrassé aucun enfant ! » ،Omar lui déclara alors : « Puisque tu es si peu miséricordieux envers autrui, notre accord est rompu et tu ne travailleras jamais pour moi»[13].
La miséricorde du Prophète r s'étendait également aux oiseaux et aux animaux et il n'y a rien de gênant en cela. ،Abd ar- Rahmân bin ،Abd Allah bin Mas’oud nous transmet ainsi les propos suivants que lui rapporta son père : « Nous étions en voyage avec le Messager d’Allah r. A un moment donné nous passâmes près d’un arbre sur lequel se trouvaient deux petits rouges-gorges que nous saisîmes et emportâmes avec nous. Aussitôt la mère des deux oisillons vint auprès du Messager d’Allah r en agitant ses ailes. Le Messager d’Allah r demanda : " Qui a affolé cet oiseau en prenant ses deux petits? " Nous répondîmes au Prophète r: " Nous !" ; " Remettez-les ! [dans leur nid ] " , dit-il» [14].
Le Prophète r enjoignait à ses compagnons – qu'Allah soit satisfait d'eux – de faire montre de compassion envers les animaux et les réprouvait fortement dès qu'il constatait de leur part un manquement à cette injonction. Il arriva ainsi que le Prophète r rentrât dans un enclos, propriété d’un Ansâr *, et y trouvât un chameau. Lorsqu'il aperçut le Prophète r, l'animal poussa des gémissements et des larmes se mirent à couler de ses yeux. Le Prophète r s'approcha alors du chameau, essuya ses larmes, et l'animal se tut .«Qui est le propriétaire de ce chameau?» demanda-t-il. «À qui appartient ce chameau ? » Un jeune Ansâr s’approcha du Prophète r et lui dit :«Il est à moi, ô Messager d’Allah.» Le Prophète r dit alors au jeune homme: «N'as - tu donc aucune crainte d' Allah Qui t'a donné cet animal en possession ? ! La bête s'est plainte auprès de moi que tu la laissais affamée et que tu la faisais travailler sans répit …»[15]. Le Prophète bienfaisant r exposa alors la formidable récompense que Le Tout-Puissant réserve à celui qui fait montre de compassion envers les animaux et se conduit avec bienfaisance avec eux, que ces animaux soient sa propriété ou qu'il s'agisse de n'importe quel autre animal. Abou Hurayrah rapporte ainsi le propos suivant du Messager d’Allah r : « Alors qu’il marchait, un homme fut éprouvé par la soif. Il trouva finalement un puits dans lequel il descendit pour se désaltérer. Puis il remonta du puits et aperçut un chien haletant qui mangeait de la boue tant il avait soif. L’homme se dit : " Ce chien est aussi assoiffé que je l'étais!" Il redescendit alors dans le puits, remplit sa sandale d'eau, la retint par sa bouche pour ressortir du puits et abreuva le chien. Allah Le Très-Haut marqua à cet homme de la reconnaissance pour cette action et lui pardonna ses péchés» Les auditeurs du Prophète demandèrent alors: «Ô Messager d’Allah, ces animaux sont-ils source de récompenses pour nous ?» Le Prophète r répondit :«Chaque cœur vivant est source de récompense » [16].
[1] Mukhtâr as-Sihâh, 1/100.
[2] Al mufradât, p. 191; voir également At-ta،rîfât de Jarjânî, 1/360.
[3] Jâmi، al bayân, 17/106.
[4] La miséricorde d'Allah n'a bien entendu pas â être prouvée parce qu'elle est évidente. Toutefois, parler des valeurs de l’Islam, comme cette étude s'y consacre, nécessite de parler du fait que ces valeurs comprennent la miséricorde, et il n'est pas possible de parler de la miséricorde dans cette étude en écartant la miséricorde d'Allah Le Tout-Puissant. Puisse Allah nous couvrir nous tous de Sa miséricorde.
[5] Sahîh Al Bukhârî, 7 Hadith 115, 6/2745.
[6] Jâmi، al bayân, 7/208.
[7] Sahîh Al Bukhârî, Hadith 5653, 5/2235.
[8] Ibid., Hadith 6104, 5/2374
[9] Ibid., Hadith 3059, 3/1180, Sahîh Muslim, Hadith 1795, 3/1420.
[10] Voir As-sunan al kubrâ d’Al Bayhaqî, 9/118, Ibn Hajar juge ce Hadith de bonne crédibilité dans Fath al bârî, 8/18.
* Al Hasan bin ،Alî est l'un des deux petit-fils du Prophète r (NdT).
[11] Sahîh Al Bukhârî, Hadith 5651, 5/2235.
[12] Ibid., Hadith 5/2235.
[13] As-sunan al kubrâ d’Al Bayhaqî, 9/41
[14] Sunan Abî Dâwoud, 3/8, ce Hadith est jugé authentique par Al Albânî dans As-silsilah as-sahîhah, 1/33.
* Les Ansârs étaient les habitants de Médine partisans du Prophète r qui avaient conclu un pacte d'alliance avec les partisans du Prophète venus de La Mecque et qui s'appelaient eux les Mohâdjirûn ( NdT).
[15] Sunan Abî Dâwoud 3/23, Al Albânî juge ce Hadith authentique dans As-silsilah As-sahihah, 1/28.
[16] Sahîh Muslim, Hadith 4, 2240/1761.